La cité du Golem

Ceux qui ont déjà vu une forêt dévastée par une tornade oublient difficilement le spectacle des troncs déchiquetés, éclatés sous l’effet du vent. Des souches brisées ne dépassent plus que des déchirures de bois pointées vers le ciel comme des doigts l’accusant de tous les malheurs de la terre. Dans les communautés juives d’Europe centrale, ce lien symbolique entre les forces d’en bas et les forces d’en haut se conjugua avec la grande vague d’émigration vers l’Amérique dans les années 20: les gratte-ciel de la Terre Promise faisaient rêver les miséreux constituant la grande masse des habitants du «yiddishland»… De nombreux jeunes hommes partaient en éclaireurs, promettant de faire venir l’épouse, la fiancée ou le reste de leur famille dès qu’ils auraient amassé le pécule suffisant pour l’installer. Très souvent, quelques mois plus tard, arrivait enfin du Nouveau Monde la lettre tant attendue. Parfois la lettre ne venait jamais… Abandonnées sans explications, certaines femmes imaginèrent d’accuser le Golem de Manhattan et de l’invoquer au-delà l’océan par l’intermédiaire de déchirures d’arbres évoquant des gratte-ciel. Il semble que des rabbins en arrivèrent à tolérer ces pratiques: les pièces exposées ont été retrouvées dans des synagogues de Pabjanice.

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