Les fossiles de rêves des îles Féroé

Se réveiller après un rêve délicieux et ne se souvenir d’aucun détail. Qui n’a déjà vécu ce petit moment d’amertume? Depuis que les rêves des hommes s’envolent avec l’aurore, seul un petit groupe de shamans avait réussi à les fixer dans la pierre. Cela s’est passé aux îles Féroé: sur cet archipel isolé au milieu de l’océan, étape immémoriale des drakkars entre Scandinavie et Amérique du Nord, s’est développé une religion mêlant les traditions des Cree Algonquins et des nordiques Eddas. Des îles qu’un brouillard épais recouvre très souvent durant de longs jours. Voilà sans doute l’origine de l’orientation des rituels indigènes vers l’étude des rêves comme partie intégrante du réel . Aucun acte de la vie quotidienne ne s’y décidait sans consulter les shamans sur le sens à accorder aux songes. Et un Féroen qui se réveillait sans être capable de se souvenir de son dernier rêve risquait de tomber au pouvoir de la Reine de la Nuit, rendant ainsi son totem tabou. Pour éviter l’exclusion de la communauté, il lui fallait se rendre sur Stóra Dímun, l’îlot sacré des shamans. Après une cérémonie de purification dans la yourte sacrée, le visiteur recevait un somnifère et une pierre dont la forme rappelait le rêve enfui. Rentré chez lui, il s’endormait avec le fossile de son rêve en main. Et au réveil, il devait en partager le souvenir avec ses voisins. Depuis le 9e siècle, de nombreux rapports de voyageurs font état de cette coutume et un auteur écrit que ce pouvoir d’«archiver» les rêves s’étend à la planète: on cite un shaman qui prétend «pouvoir aller chercher des rêves depuis le sommet du Slættaratindur jusqu’aux plaines du Tibet»! Dans les années ’50, en pleine guerre froide, des ethnologues soviétiques, puis américains, s’intéressèrent à ce don de fossiliser les rêves par-delà le temps et l’espace. Suite à leurs visites répétées, les shamans incendièrent yourtes et totems sacrés et abandonnèrent l’îlot. (Bergier L. & Pauwels J., Mâtin, des Magiciens!, Éd. Gallinard, Paris, 1967). Depuis lors, plus personne n’a réussi à trouver de nouveaux fossiles de rêves chez les Féroens. La très belle pièce présentée sur l’affiche et les tickets d’entrée de l’exposition provient d’archives du FBI récemment déclassifiées.

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